• Le point Teutonie (2)

    J'ai écrit cet article mardi soir, en rentrant en Allemagne avec mon ICE préféré.

    Décidément, je n’écris ces fameux « points Teutonie » (fameux, enfin y’en a eu qu’un seul) uniquement dans l’ICE. Ca inspire, il faut croire, pendant les longues heures de retard trajet. Pour l’instant, ça fait 20 minutes que l’on roule, et comme on est toujours sur la partie française du trajet, normal, tout va bien.
    Cela fait maintenant… trois mois que j’ai commencé mon séjour, très exactement. Etant partie un 24 octobre, nous voici le 24 janvier, et c’est donc l’occasion idéale (oui, oui) pour faire un second point Teutonie !

    Qu’ai-je fait pendant ces trois mois ? Eh bien, tout d’abord, j’ai pris environ 3 kilos. Et ça n’est probablement pas du muscle. La faute à qui ? Je blâme plusieurs coupables :
    -    d’abord, moi. C’est la première fois que je vis toute seule, et 500 kilomètres me sépaprent d’une autorité alimentaire susceptible de m’empêcher de manger n’importe quoi. Etonnemment, je n’ai pas cédé à mon penchant pour le saucisson. D’abord, parce que Lidl, c’est pas la porte à côté et que je suis radine. Ensuite, parce qu’en Allemagne, il y a tellement de porc et tellement pas d’autre chose, que voir du saucisson a plutôt tendance à me dégoûter, maintenant (avis à ceux qui veulent se débarasser d’une addiction à ce genre d’aliments que tous les nutriotionnistes déconseillent- même si c’est délicieux pour le moral).
    -    Ensuite, moi encore. Il faut dire que j’ai un peu la main lourde sur les proportions. Ca fait que je me retrouve à  me servir de généreuses portions de riz/pâtes/polenta/semoule, accompagnées comme il se doit de viande (de porc…), de quelques légumes pour des raisons de transit évidentes, et ensuite, comme je suis prise de remords par rapport à un énorme trop-plein de nourriture bourrée d’huile ou de n’importe quoi de gras, je déverse une montagne de salade dans mon assiette, et quand j’en viens au dessert, je suis en train d’éclater, mais pas assez pour une pomme. Comme ça, y’a des fruits et des légumes, mais tellement que, ben…
    J’ai pris trois kilos.

    Conclusion : je viens de saisir comment l’inventeur du Tupperware a eu l’idée.

        Pendant trois mois, j’ai aussi… affronté des petits monstres. Ils ne sont pas tous comme ça, et heureusement je ne les affronte pas tout le temps. Je me cache lâchement derière mon statut d’assistante de langue. Le problème, c’est que ce statut est aussi celui qui se trouve au beau milieu du champ de tir des 8ème. Les 8ème, ce sont environ des 4ème/5ème. En gros. Pour vous donner une meilleure idée, c’est l’âge le plus con que vous puissiez trouver, multiplié par 30 (parce qu’ils sont 30), multiplité par le coefficient de bordel des deux dernières heures avant de manger et donc de rentrer chez soi (qui doit bien être de 4), et enfin, multiplier encore par le coefficient de déficit d’autorité existant pour les assistants, et plus encore pour les crevettes de 1m50.
        Tout ceci fait un chiffre qui, vous le devinerez, est trop haut pour éviter les débordements. Je vous présente donc en exclusivité les perles de mes 8ème :
    -    Le coup du « je peux aller aux toilettes ? » environ quinze fois par cours. Pour un cours de 45 minutes, ça fait beaucoup. Le plus pénible, c’est quand on croit, parce qu’ils lèvent le doigt, qu’ils ont une idée de ce qui se passe en cours.
    -    Le coup du « truc est malade ». Truc étant une élève lambda, généralement pas une des plus pénibles, du coup on a du mal à douter de sa sincérité. Si encore elle ne faisait que ne pas se sentir bien, ça irait, le souci, c’est que ceux qui demandent à sortir avec elle pour la soutenir sont environ une quinzaine, c'est-à-dire la moitié de la classe. Mais quand les quinze autres sont en train de mettre le souk, on dit « ja, ja… » avec une grimace de douleur sur le visage, pour signifier « moi aussi, j’aimerais bien sortir prendre l’air, je peux pas y aller avec vous ? ».
    -    Le coup du placard. Même, les coups. Le placard est un objet fabuleux. Surtout pendant la pause, quand j’arrive en avance, que la prof est partie se réfugier en salle des profs ou qu’elle n’est juste pas encore là, et que du coup, je les laisse faire leur cirque, en espérant que toute cette énergie dépensée ne sera plus là pour alimenter le foutoir quand le cours aura commencé (par ailleurs, cette théorie est bien belle sur le papier, mais la vérité, c’est que les élèves fonctionnent à l’énergie renouvelable. A l’infini). C’est comme ça qu’on atteint des moments de sueurs froides assez délirants, comme quand un élève grimpe sur le placard, et que quand on a réussi à le faire redescendre, on découvre que y’en a deux de plus qui se sont cachées dans le placard. Et les sueurs froides se transforment en frisson d’horreur quand on voit que ce sont les deux meilleures élèves qui font ça. Eh oui, il n’y a point de salut avec les 8ème de 11h20 à 13h05.
    -    Un de mes préférés, le coup du dialogue surréaliste. J’entends par là une demande qu’on n’aurait à peine osé formuler dans le cadre d’un cours digne de ce nom, mais qui là ne pose absolument aucun problème pour l’élève. Une des meilleures étant : « je peux garder ma bombe à eau à côté de moi en cours ? ». Le pire, c’est quand vous vous mettez à négocier, avec très visiblement une longueur de retard sur le mioche. « euh… mais… [soit dit en passant, l’élève a explique en quoi il avait besoin de cette bombe à eau, et j’ai absolument rien compris], enfin… non, tu comprends… c’est pas bien… euh… c’est pas contre toi mais… euh… [à ce moment-là, la classe derrière est dans un tel état qu’il faut réagir vite, et donc n’importe comment] ok, garde-la mais seulement si ça ne gêne pas le cours ».
    J’en ai eu une deuxième qui s’approche de cette dernière, dans le genre ahurissant. Cette fois, c’était presque la fin du cours, j’étais en nage, le chaos le plus total régnait et je suis allée voir une élève qui voulait me poser une question. La question était : « je peux sortir dehors ? Je me sens pas bien parce qu’il y a trop de bruit ici ». Je vous laisse deviner ma réaction. Malheureusement, sachez que je ne peux pas employer de sévices corporels. En fait, je peux employer aucuns sévices, à part mon autorité naturelle. C’est vous dire l’impasse.
    -    La dernière en date, c’est une pas mal : au milieu de la salle, il y a une colonne. Je n’y avais jamais trop fait attention. Un jour, pendant la pause, un élève (d’une autre classe, normal, mais entouré de ses congénères de ma classe) a commencé à grimper dessus. Et à ce moment-là, la première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est l’interrogation suivante : « Tiens, mais pourquoi n’y ont-ils pas pensé avant ? ».

    Vous l’aurez compris, les 8ème du lundi matin sont d’ignobles garnements, qui bénéficient d’avantages absolument déloyaux, comme le nombre (si j’étais trente personnes, je pourrai au moins les empêcher de sortir à quinze de la salle). Le pire, c’est, je crois, quand je traverse le couloir pour aller dans la salle d’en face, dans laquelle se trouve une autre classe de 8ème, qui a exactement les mêmes heures et le même âge.
    Et eux, ils sont calmes.

     


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